
Analyse à travers « Le périmètre de Kamsé »: Un film de Olivier Zuchuat
Dans le cadre du Festival Alimenterre, j’ai assisté à la projection du film: Le périmètre de Kamsé. Ce film a été réalisé au nord du Burkina Faso dans le village de Kamsé. La zone fait face à la désertification et la sècheresse. Le nord du pays fait également face aux attaques djihadistes. La plupart des jeunes ont donc quitté le village. Laissant les femmes, les enfants et les vieux à leur sorts. C’est dans ce contexte que les villageois décident de se rendre dans le village voisin pour apprendre comment reverdir et fertiliser à nouveau leurs sols. Au retour, ils se lancent dans le projet de construction d’un réseau de digues et plantation d’arbre avec les moyens du bord. Mais les femmes sont les principales actrices de la mise en œuvre de ce projet. Durant des jours, elles creusent, piochent, ramassent du sable, etc. Le film enregistré sans commentaires nous montre l’évolution de ce projet du début (les prises de décisions) jusqu’à la fin, l’arrivée des pluies et les premiers plants obtenus.
1. Analyse critique
Certaines parties du film ne sont pas très compréhensibles. A un niveau, l’une des femmes du village disait qu’elle était pressée de finir sa journée pour aller toucher sa paie. On se demande alors si l’initiative de construction des digues résulte d’une action collective des villageois ou si elle résulte d’une dynamique d’un acteur externe au village qui a orienté et financé la réalisation du projet. Mis à part cela, à la fin du film, les activités réalisées par les femmes grâce aux digues n’apparaissent pas clairement. Le film s’est beaucoup plus basé sur l’engagement du village dans la réalisation des digues.
– Des inégalités de genre visibles
Ce film met en avant les rapports et les rôles entre les femmes et les hommes dans une société du Sud qui est marquée par les inégalités de genre. Il montre que ce sont les femmes qui restent au village quand tous les jeunes partent en exode. Il met également en avant le rôle des femmes dans l’alimentation du ménage, ce sont elles qui mettent les bouchées doubles pour nourrir toute la maisonnée dans cette situation désespérée. La place de la femme dans les prises de décision est également mise en avant.
Elles ne sont pas incluses dans les processus de prise de décision sur des situations qui les touchent et les concernent directement. Les hommes du village se sont chargés des prises de décision. Mais pour la mise en œuvre et la réalisation du travail pénible, elles sont les premières impliquées. Elles réalisent le travail de construction des digues en plus de leur responsabilités quotidiennes à savoir la recherche du bois de cuisson, prendre soin des enfants et s’occuper de l’alimentation du ménage. Elles finissent leurs journées tardivement et la débutent très tôt.

En montrant tous ces aspects de la vie de ces femmes, le film problématise la modernisation, les modes de production, le changement climatique et surtout la résilience des villageois et en particulier les femmes face aux enjeux de changements climatiques.
– Vers un processus d’apprentissage local
Parmi les stratégies de résilience développées, le film nous éclaire sur l’importance des échanges de bonnes pratiques d’adaptation aux changements climatiques entre les villages voisins. Il y a également l’importance des rituels traditionnels qui permettent de développer une relation entre les croyances des villageois, la terre et la nature.
Le film montre également que face aux changements climatiques, les villageois sont prêts à remettre en cause leur modèle agricole afin de s’adapter. La thématique de la sécurité alimentaire est présente durant tout le film. Les femmes qui s’occupent de l’alimentation du ménage ne seront pourtant pas les premières bénéficiaires des terres qui seront réhabilitées. Ces terres sont déjà partagées entre les hommes avant même la réalisation du projet. On les entend dire vaguement que les femmes pourront faire du maraîchage sur une portion commune.
La notion de travail digne est également ressortie dans les échanges des villageois pour la mise en œuvre du projet même si elle n’a pas vraiment été appliquée. On a vu des enfants, des femmes enceintes, des nourrices travailler dans la construction des digues.
2. Conclusion et recommandations
Les changements climatiques touchent durement les populations pauvres des pays du Sud. Mais celles-ci développent une certaine résilience pour y faire face. Elles n’hésitent pas à s’engager dans des processus d’apprentissage auprès des autres voisins sur des techniques d’adaptation. Les femmes sont les plus touchées par les impacts du changement climatique. Dans les villages, elles sont les garantes de l’alimentation des ménages. Par ce fait, elles sont également les piliers du développement local et de l’application des méthodes d’adaptation et de résiliences face aux effets du changement climatique. Mais force est de constater qu’elles ne sont pas impliquées dans les processus de prise de décision sur des sujets les concernant directement. Elles sont également écartées de la gestion des moyens de production comme le foncier.
Il serait intéressant que des plaidoyers et sensibilisations soient fait au niveau local pour montrer aux hommes et chefs traditionnels l’importance des femmes dans le processus de lutte contre les changements climatiques et leur rôle clé dans l’alimentation et la sécurité alimentaire des ménages. Cela servira à les convaincre de donner plus de parcelles aux femmes pour leur activités de production agricole et à les impliquer dans les instances de prise de décision sur des sujets qui impliquent également les femmes.
3. Des raisons pour suivre ce film?
Ce film permet de toucher du doigt les dynamiques locales pour lutter contre les changements climatiques. Vous pourrez également y appréhender le rôle des femmes dans la sécurité alimentaire au niveau villageois ainsi que les difficultés auxquelles elles font face pour assumer ce rôle. Au-delà, vous comprendrez que les femmes des pays du Sud subissent beaucoup plus les effets du changement climatique à travers leur rôle d’alimentation du ménage.
4. Bibliographie
Zuchuat, O. (Réalisateur). (2020). Le périmètre de Kamsé [Film]. Prince Film SA, Andolfi, Les Films du Dromadaire.